jeudi 30 juillet 2009

La politique selon les gens de mon village : Réflexions personnelles et tentative d'analyse

En faculté de droit, notre professeur de sociologie politique nous apprit que la politique, c’est l’association de l’économique et du social. Cette association a pour but premier d’assurer le minimum vital aux populations d’un espace étatique donné. Or, dans l’acception populaire africaine, la politique est synonyme de mensonges, de contrevérités, de fausses promesses. Si je dis à mes frères restés au village que je fais de la politique, ils comprendront cela très mal car, pour eux, la politique représente indubitablement tout ce qui est mauvais.

En effet, pour les villageois de chez moi, le politicien est celui qui crée constamment la zizanie entre les gens en rapportant, mieux en colportant, les paroles des uns et des autres, au besoin en y ajoutant un grain de sel afin de provoquer des dissensions dont il profite par ailleurs sans vergogne.

Comment en est-on arrivé à une telle compréhension du mot politique ?

Feu le Président Félix Houphouët Boigny disait que « les chefs d’Etat africains mentent à leurs peuples tout le temps alors qu’ils n’en ont vraiment pas besoin ». On peut trouver la réponse à la question ci-dessus dans cette citation. Le mensonge au quotidien dont on abreuve les peuples africains. Les dirigeants politiques, hommes de pouvoir comme de l’opposition, sont presque tous convaincus qu’il faut mettre une couche de vernis à la réalité pour obtenir le soutien des peuples. En usant de tels subterfuges, les dirigeants politiques, toutes tendances confondues, prennent-ils les peuples pour des ignorants ? Comme me disait récemment un ami guinéen, même le plus petit berger au village est ingénieur ! Ne fabrique-t-il pas lui-même ses outils de travail, ce que les usagers de la dialectique appelleraient « les moyens de production » ?

Si donc le plus petit paysan est ingénieur à sa manière, les dirigeants ne doivent-ils pas tenir compte de ce simple fait que le citoyen lambda est doté d’intelligence et qu’il sait discerner le vrai du faux ? Ce dont le citoyen africain ordinaire a besoin, ce sont
- les soins de santé primaire,
- l’éducation adéquate pour sa progéniture – surtout une éducation qui leur offre des perspectives d’avenir
- la sécurité de sa personne et des siens et de ses biens
- des moyens de production qui lui permettent d’avoir une alimentation équilibrée et dégager un surplus qu’il peut alors monétiser pour habiller sa femme et ses enfants.
Ce sont là des besoins élémentaires, en réalité, qui ne diffèrent en rien de ceux des autres citoyens du monde ! Dans ces conditions, ne serait-il pas plus judicieux pour les dirigeants de convaincre les citoyens par des actes concrets de tous les jours qui vont dans le sens de la satisfaction de ces besoins élémentaires ? Cette manière d’agir, ou comme dirait l’autre, de « gouverner autrement » rendrait à la politique ses lettres de noblesse. Ainsi, on pourrait revenir à la signification première du terme au lieu de la déformation dont elle est aujourd’hui l’objet du fait, justement, de l’irresponsabilité des politiciens qui pratiquent ce que feu le Président Ngarta Tombalbaye appelait de la « politicaillerie »!

Un tel changement emporte également une attitude nouvelle des hommes politiques, particulièrement un comportement exemplaire qui met l’accent sur la recherche constante de l’intérêt général au lieu de la course actuelle à l’enrichissement, souvent par des détournements de fonds. Indiscutablement, cet enrichissement illicite se fait au détriment du plus grand nombre des citoyens.

L’Afrique doit revenir à l’engagement militant des pères des indépendances qui voulaient montrer que les africains étaient capables de se gouverner eux-mêmes, sinon mieux que les administrations coloniales. Certains l’ont bien démontré, comme justement feu le Président Félix Houphouët Boigny et les africains regardent tous la Côte d’Ivoire aujourd’hui avec envie grâce à lui.

La réalité aujourd’hui dans nombre de pays sur le continent s’est tellement éloignée de cet idéal que des vieux dans les villages commencent à poser la question, qui à première vue, parait anodine mais qui, à l’analyse, traduit un profond malaise, à savoir « quand l’indépendance prendra-t-elle fin ? »

Il faut dire que la situation, dans bien de cas, a atteint un tel point que la colonisation, malgré les travaux forcés et autres humiliations, rappelle de meilleurs souvenirs aux vieillards qui étaient récompensés pour leurs efforts alors que ce n’est plus tout à fait le cas avec l’arrivée des autochtones aux affaires. On a beau expliquer que nous sommes responsables de nous-mêmes et que, ce faisant, chacun de nous doit faire des sacrifices, l’impression générale est que certains seulement doivent souffrir tandis que « l’élite » mène un train de vie d’opulente insolence souvent accompagnée de débauche.

De fait, les traditions ancestrales qui servaient de trait de cohésion sociale sont foulées aux pieds. Et comme dirait un ami malien « chacun ne connaît plus sa place dans la société ».

Il est clair qu’on ne saurait blâmer les politiciens pour tous ces changements parfois négatifs des mœurs mais, ne dit-on pas que le poisson pourrit par la tête ? Si la tête n’est pas fraiche, on ne saurait s’étonner que le reste du corps soit aussi pourri et tombe en lambeaux, s’effrite !

L. Favitsou Boulandi

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