lundi 10 août 2009

"Quand est-ce que l'independance prendra-t-elle fin?"

« Quand est-ce que l’indépendance prendra-t-elle fin ? » Cette question posée par un paysan tchadien nous appelle à la réflexion. Elle est, en effet, la manifestation d’une certaine exaspération du plus grand nombre de nos compatriotes devant l’absence de réalisation des attentes nées des promesses des partis politiques pendant la période coloniale, d’une part, et de l’instabilité chronique que connaît le Tchad depuis 1963, d’autre part.

Point n’est besoin de rappeler que la colonisation fut brutale, et que les administrateurs des colonies, du moins les premiers au Tchad, furent d’abord des militaires, d’où l’appellation de « commandants » utilisée encore de nos jours en référence aux sous-préfets par les villageois. Ils n’hésitaient pas à humilier ceux qui osaient contester leur autorité en les chicotant publiquement. Et puis, il y a eu les travaux forcés dont le plus notoire, par le nombre de morts que cela a engendré, fut la construction du chemin de fer Congo-Océan. Plusieurs centaines de tchadiens périrent durant ces travaux d’infrastructures qui visaient à relier, à l’instar du chemin de fer Dakar-Niger, les territoires d’Afrique centrale française entre eux… Et la culture obligatoire du coton.

Vint l’indépendance et les populations se réjouirent des promesses de liberté et de vie meilleure que leur firent les politiciens. Mais très vite, les complots et autres tentatives de coup d’Etat remettront au lendemain ces promesses ; les régimes successifs étant avant tout préoccupés par des questions de survie face aux nombreuses adversités.

De paix, de prospérité et de liberté… point ! La paix, la liberté et la prospérité sont des désirs communs à tous les êtres humains, et les tchadiens, en tant qu’humains, souhaitent aussi les vivre à l’instar des autres peuples. La question qui se pose est de savoir si nous nous élèverons un jour au-dessus des nos mesquineries pour enfin arriver à connaître la paix d’abord, la prospérité et la liberté comme les conséquences essentielles de cette paix ensuite. Ou sommes-nous maudits au point d’être incapables de nous organiser pour ramener la paix dans notre pays ? Ou est-ce simplement parce que nous sommes trop égoïstes pour comprendre que notre salut dépend de nos capacités à transcender nos différences et l’absence de confiance qui nait du repli identitaire qui s’est sévèrement accentué depuis 1979, date de la grande fracture nord-sud ?

Et pourtant, que ce soit des tchadiens du nord, du sud, de l’ouest ou de l’est, tous, nous désirons la même chose, je présume, un Tchad libre et prospère dans la tranquillité !

Alors, pour que nous n’ayons pas à regretter d’avoir reçu l’indépendance sur un plateau d’argent, sans préparatifs particuliers, nous devons arrêter d’avoir des complexes les uns envers les autres et donc nous débarrasser des scories du dédain de l’autre, de manière à nous tendre la main les uns les autres, pour le plus grand bien de notre pays. Condamnés par l’histoire à vivre ensemble, nous devons donner le meilleur de nous-mêmes pour rendre cette vie agréable pour nous, nos enfants et nos petits enfants. Nous n’avons pas d’ailleurs d’autres choix si nous acceptons, un temps, de regarder la réalité en face !

C’est là un appel à la raison. Nous n’avons, en effet, rien à gagner à nous massacrer les uns les autres en nous donnant en spectacle au reste du monde ! Aujourd’hui, quand un tchadien se présente à un ressortissant d’un autre pays, la première question qui vient est de savoir si nous en avons fini avec la guerre ! Cette question répétée irrite fortement dans la mesure où elle donne l’impression que les tchadiens ne savent rien faire d’autre que s’entretuer entre nous ! Elle est le reflet de 46 ans de conflit inter-tchadien ! Il est temps, grand temps, que nous donnons une autre image de nous-mêmes, celle d’un peuple de paix engagé vers un avenir prospère grâce aux nouvelles ressources générées par l’exploitation du pétrole.

Comment arriver à cette paix ? Nous devons commencer par nous faire confiance en traitant nos compatriotes avec déférence et amabilité, en rejetant les préjugés. Ce sont, en effet, les préjugés défavorables qui font le lit de la haine de l’autre. Ce sont les notions préétablies, l’absence de considération que nous manifestons les uns envers les autres qui accentuent le rejet des autres, de sorte que chacun se tourne vers les siens pour retrouver le réconfort. Il est vrai que la nature humaine pousse à cette tendance du repli sur soi, mais nous devons nous faire violence en nous convainquant que le soi n’est rien sans les autres tchadiens et que c’est en fait l’ensemble de ce peuple multiethnique qui fait notre moi commun.

Si nous acceptons cette approche, alors, nous aurions fait un pas dans la bonne direction. Il ne nous restera qu’à nous asseoir et de discuter de l’avenir de notre pays. D’aucuns diront que la Conférence Nationale Souveraine de 1993 était déjà cela. C’est en partie vrai, car cette conférence avait effectivement posé les jalons vers l’avenir. Mais si nous nous retrouvons aujourd’hui, 16 ans après, encore à compter nos morts, à contempler les risques d’affrontements, cela veut dire que quelque chose n’a pas été faite. Alors, il convient de revenir pour rechercher ensemble cette chose qui a fait défaut. C’est à cela que de nombreuses initiatives de paix appellent en fait, pas à une conférence nationale bis. Identifier les maux, proposer des solutions et les mettre en œuvre en nous disant « PLUS JAMAIS CA ! » voilà ce que visent ces initiatives de paix. Ceux qui font croire qu’il s’agit d’autre chose se créent de fausses illusions qui sont loin de la réalité.

Une fois les étapes vers la paix franchies, il nous faudra alors organiser une gouvernance politique et économique qui veille à assurer le minimum vital à tous les tchadiens. Avec une bonne planification et une saine gestion des ressources nationales, en libérant le génie créateur des tchadiens par des programmes adaptés, nous serions sur la voie de la prospérité. En ce moment-là, au lieu que les tchadiens émigrent vers les pays voisins à la recherche d’une maigre pitance qu’ils auront gagnée dans l’humiliation constante, ils seront chez eux, et d’autres viendront chercher la vie meilleure auprès de nous ! Utopique ? Pas du tout ! Nous sommes capables du pire alors je suis convaincu que nous sommes aussi capables du meilleur pour nous-mêmes et par nous-mêmes ! Et puis, il est tellement plus facile de gérer la paix et la prospérité que de gérer la misère et l’instabilité !

Surtout, il s’agira pour nous de montrer que nous sommes des gens mûrs, ouverts vers l’avenir et le monde, jaloux de notre liberté mais disposés au meilleur pour l’Afrique et pour tous les hommes de bonne volonté à travers le globe. Une telle disposition devrait permettre de dire au vieux paysan que l’indépendance est là pour toujours et que sa vie, celle de ses enfants et de ses petits enfants, irait en s’améliorant. La promesse de l’indépendance se sera ainsi réalisée pour le plus grand nombre. Et l’union faisant la force, le Tchad ne sera que plus fort et plus stable. Que pourrions-nous demander de plus ?

Tel est mon vœu pour le 49ème anniversaire de l’Indépendance du Tchad, car si nous voulons, comme notre hymne national nous y exhorte, que « l’avenir soit à nous », nous devrons faire preuve de courage politique pour entamer un dialogue de paix véritable ouvert à toutes les sensibilités du pays.

Il faut s’en convaincre : RIEN NE VAUT PLUS QUE LA PAIX ! Et comme le disait le Président Lol Mahamat Choua en 1979, « il nous faut la paix à tout prix, la paix à n’importe quel prix ». Nous ne pouvons pas continuer dans cette voie de la destruction. Il nous faut arrêter cette folie meurtrière qui n’est absolument pas dans l’intérêt de notre pays et de son peuple !

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